La compagnie du vent hurleur
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 L'étrange boutique de Mister Flynn

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Kant

Kant


Poissons Chèvre
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MessageSujet: L'étrange boutique de Mister Flynn   L'étrange boutique de Mister Flynn EmptyDim 3 Jan - 0:12

L'étrange boutique de Mister Flynn
Objets rares et magiques en tout genre
Achat et vente



L'étrange boutique de Mister Flynn Couver10

by Alach Lleuad
copyright Alach Lleuad (Y.D.)


Récit premier

Salut à toi, lecteur.
Oserais-je transgresser les règles de la bienséance et te poser une question? Je sais, cela peut te sembler très personnel, et viole très certainement les convenances, mais ça te poussera à réfléchir, du moins, je l’espère…
Pourquoi as-tu choisi ce livre? Pourquoi, dans la librairie ou dans la bibliothèque où tu as été, avoir choisi mon récit parmi tant d’autres?

Sache qu’on ne fait jamais rien au hasard. Les gens que je vois entrer chez moi se disent souvent que c’est « par hasard » qu’ils y atterrissent. Mais pourtant, tous autant qu’ils sont, il repartent avec un de mes articles.
Car vois-tu, lecteur, la politique de la maison est que l’article ne choisi pas le client, mais l’article choisi le client. Non pas qu’il n’ait pas le choix de ce que je lui vends, simplement qu’il prend ce qui lui correspond le mieux. Car les choses « inanimées » passent leur vie à lire en vous, à réfléchir. Après tout, elles n’ont rien de mieux à faire, contrairement à nous, êtres humains.
Dès lors, elles savent mieux que celui qui entre dans ma boutique ce qui lui correspondra le mieux.
C’est d’ailleurs pour cela que je suis ce que je suis.

Oh! J’ai outrepassé toutes les lois de la politesse! Je suis Mr James J. Flynn, vendeur d’objets rares et magiques en tout genre. Je ne suis plus tout jeune non plus, car voici maintenant presque cinquante ans que je tiens mon magasin. Le nom en est aguicheur : « L’étrange boutique de Mister Flynn ». Je vais un peu parler de moi, pour te faire bien comprendre la portée de la magie des objets. Ce sera, en quelque sorte, ma première histoire.

Je suis né dans un très petit hameau de campagne, Wuyze. Mon père était instituteur et ma mère secrétaire à l’administration communale. J’ai grandi dans ce « trou », comme disaient mes cinq frères aînés Louis, André et Adam (les jumeaux), Serge et Joël. C’est avec lui que je m’entendais le mieux. Il n’avait qu’un an en plus que moi, et nous étions toujours fourrés ensemble.
Un jour que nous battions la campagne, je devais avoir quelque chose comme treize ans, Joël s’est mis en tête de grimper dans un arbre. Il ne lui est pas venu à l’idée de demander son avis à ce qui était pour nous un simple objet. Je l’ai suivi du regard, et je garde la certitude qu’une des branche s’est dérobée sous son pied. Il est tombé et s’est brisé la nuque. J’ai eu tellement peur, j’ignore de quoi, d’ailleurs, que je me suis mis à courir, pour aller le plus loin possible de ce corps aux yeux sans vie. J’ai perdu la notion de distance, mais je me souviens être arrivé dans le bourg voisin, en pleurs, fuyant chaque passant. C’est à ce moment là que, pour les éviter plus à mon aise, je suis entré dans une boutique.
L’homme qui était derrière le comptoir portait une longue barbe brune, tressée en différents endroits. Il se tenait bien droit, et portait des vêtements larges et souples en tissu couleur terre. Je me suis toujours demandé ce qu’il dut penser de moi, garçon habillé en paysan entré en courant et en pleurant. Toujours est-il qu’il ne m’adressa pas un regard, il se contenta de se pencher sur un gros livre de compte. Je me cachai derrière un énorme pot de fleur et vidai mes dernières larmes, avant d’observer l’endroit où je m’étais réfugié.
C’était une pièce carrée très éclairée : la vitrine et les portes de verre laissaient passer autant de lumière que l’espèce de mini dôme au plafond. Sous le dôme, au centre, une petite fontaine gazouillait et abritait quelques poissons japonais. Le long des murs, d’immenses étagères présentaient une cohorte d’objets qui m’étaient tous inconnus. Un seul repère du monde que je connaissais me sauta aux yeux : des livres. Une bibliothèque gargantuesque occupait une espèce d’arrière-salle.
Je me cachait derrière quelques pots de plantes vertes qui, me sembla-t-il, poussèrent quelques soupirs. Après m’être calmé, je me mis à observer le vendeur. Outre sa barbe, il portait aussi des pattes. Malgré cela, il avait un air distingué qui m’impressionnait.
Il vint vers moi, et me tendit la main. Il m’amena dans une autre arrière salle, et me servit un verre de lait.
-Comment tu t’appelles, gamin? me demanda-t-il. Et pourquoi cet affolement.
-Je m’appelle James, Monsieur, lui répondis-je en tremblant.
Je commençai à lui raconter ce qui m’était arrivé, lorsque mon père entra dans le magasin. Il avait ameuté tout les environs de notre village pour me retrouver, après que mon frère et moi ne soyons pas rentré. Et quelque un m’avait vu passer. Quand il me dit que j’étais resté absent pendant presque trois heures, j’eus du mal à le croire.
En pleurant, je le ramenai au corps de mon frère. La vision de Joël sans vie m’a longtemps hanté.

Mais la vie a continué. J’ai grandi, et est arrivé le moment pour moi d’aller à l’université. J’ai quitté mes parents, et je suis allé à « la ville ». Elgénam est une ville magnifique. Les grandes artères très modernes ne gâchaient rien du charme des petites rues piétonnières vieillottes. La capitale des lettres et des arts m’a tout de suite séduit. J’ai suivi les cours de philosophie et lettres à l’Académie Royale. J’ai réussi mes trois premières années, et rien de notable ne se passa.
Mais c’est au cours de ma quatrième année que ma vie bascula. Je préparais mon grado, cette grande tradition de l’Académie au cours de laquelle on donnait un nom de code et une fonction au gradué. Cela lui restait toute ses années d’études, lui donnait ou lui bloquait l’accès à certaines parties de l’Académie, lui offrait des droits et lui imposait des devoirs. Cette cérémonie suivait en ligne droite le baptême de la première année.
Pendant le préparation, différentes épreuves étaient imposées au nouveau venu. Celle que mon gradant m’imposa m’envoya à l’autre bout de la ville. Il voulait que je lui ramène un anneau qu’il avait caché dans les quartiers pauvres. Je partis donc, et me rendit dans le quartier du port.
L’air y était humide et fétide, et la plupart des gens puaient le vin et la crasse. Même dans la cité des lumières, il y avait des zones d’ombres. Je me rendis dans la taverne où il m’avait mandé. Je commandai une bière et commençai à réfléchir. Comment trouver un anneau dans ce bouge? J’avais beau tourner le problème dans tout les sens, je ne trouvais aucun moyen. C’est alors que je fus bousculé par un marin ivre.
-Bouge toi gamin! Tu es dans mon chemin!
Il devait avoir environ deux fois ma carrure, et ses mains avaient la taille de couvercle de poubelle. Je m’ôtais de son passage, jugeant plus prudent d’éviter la bagarre. Mais l’homme, trop plein, se mit à tituber et pris mon regard vide pour une provocation.
-Keskyia gamin? Mais c’est qu’il chercherait la bagarre, l’insolent!
Il commença à rire bruyamment, accompagné par une bande de type lui ressemblant. Je me déridai un peu, gagné par l’hilarité ambiante. J’avais à peine ouvert la bouche que je me mis à voler vers la porte. Le matelot m’avait attrapé par le collet et m’avait balancé.
-Tu oses te moquer de Piet le Fort, morveux! Tu vas souffrir!
Il rugit, et l’assemblée l’encouragea. Il se lança sur moi. Heureusement pour moi, je fus un rien plus rapide, et réussi à me rouler sur le côté pour éviter qu’il ne me tombe dessus. Je me relevai prestement et m’enfuis sans demander mon reste. J’entendis dans mon dos la porte s’ouvrir à la volée, alors que je prenais la première rue que je trouvais pour rejoindre l’université.
Les matelots me poursuivaient, et gagnaient du terrain. C’est alors que je vis une vitrine éclairée. Je poussai la porte et entrai sans réfléchir. Je vis mes poursuivant passer devant sans même jeter un regard vers ma cachette. Je respirai enfin. Je me rendis compte aussi que quelque un m’observait dans mon dos. Je me retournai, pour rencontrer le regard amusé d’un vieil homme à la barbe fort bien fournie.
-Hum. Vous devriez éviter de vous remettre à courir trop souvent, vous me semblez fatigué. Comptez vous acheter quelque chose, cette fois?
-Cette fois? relevais-je.
-Oui, James, la dernière, vous étiez tout autant tétanisé, mais cette fois là, votre père est venu vous rechercher.
J’observai la boutique en un coup d’œil. Un dôme au plafond, une arrière salle pleine de livres, une petite fontaine au centre de la pièce. Le tout était éclairé par des rangées de chandelles disposées le long des murs et du bassin. Petit à petit, je reconnaissais la boutique dans laquelle je m’étais réfugié presque 12 ans auparavant.
Je fis le tour de la boutique, observant un peu les étagères, mais surtout le vieil homme qui observait le moindre de mes gestes. J’avais inspecté tout le coin des livres, et arrivai aux étagère plus à l’intérieur du magasin lorsqu’un client entra. Le visage de l’homme était caché par une grande capuche qui lui retombait sur les yeux, mais je devinai à ses mains brûlées que sa face devait être dans le même état. Tandis qu’il occupait le boutiquier, je m’intéressais à une étagère remplie de fioles. Les étiquettes me semblaient complètement loufoque : « Sang de Dragon » ; « Sueur de licorne », et j’en passe. Je me permis d’en ouvrir certaines pour sentir. Alors que le client partait lorsque je remarquais une fiole sans étiquette. Je la saisis, et encore aujourd’hui je revois cette scène au ralentit : l’homme fermait la porte au moment où j’ouvrai la petite bouteille ; je la portai à mon nez tandis que le vendeur relevait les yeux vers moi ; je l’entends encore crier, alors que moi, me tournant vers lui, aspire une grande goulée d’air et de contenu.
Soudain une fumerolle s’éleva vers mon nez et s’y introduit, puis se fut une dizaine, puis une vingtaine. Il me sembla un court instant que mon cerveau allait exploser, mon cœur battait la chamade, et j’entendais mon sang passer dans mes veines. Ce moment de souffrance extrême me sembla durer des heures, mais il ne prit que quelques minutes avant que je ne m’évanouisse sous la douleur.

Je ne repris conscience que sous l’effet de l’eau froide que m’envoya le vieil homme. J’entendais tout ce qui se passait dans mon corps, le moindre souffle d’air que je prenais, le bruit de mon estomac qui travaillait, si je faisais attention, j’étais sûr de pouvoir entendre mes cheveux pousser.
Ma bouche s’ouvrit, sans que je ne la contrôle, et je poussai un long cri de rage. Il y avait quelque chose, une sorte de folie en moi qui contrôlait aussi mon corps. Lorsque le cri fut éteint, je demandai au vendeur ce qui s’était passé.
-Vous avez inhalé un puissant esprit, un Telchine. Ce sont de très anciens esprits du feu, ils sont hélas terriblement dangereux et puissant. D’habitude, nous les gardons enfermé dans des bouteilles ensorcelées au sang qui ne leur permettent pas de sortir. Mais vous avez ouvert la bouteille et aspiré le démon en vous. Celui que vous avez entravé avec votre corps s’appelle Svart, c’est l’un des plus vieux esprits existants au monde. Il a participé à la construction de la Lance d’Odin, et s’occupait de forger les fers de Sleipnir. Il est connu sous de nombreux noms, mais il est surtout reconnu pour sa cruauté et son intelligence.

À Elgénam, une certaine dose de magie fait partie du quotidien. La plupart du temps, elle est surtout présente dans les légendes urbaines qui courent sur la construction de l’une des plus vieille ville des Gweldydd, les Marches Nordiques. Par exemple, on raconte que la cité est basée sur une incohérence : si on additionnait la surface de chaque bâtiment, on n’obtiendrait plus du double de la surface de la ville. Il doit y avoir non loin d’une centaine d’histoire de ce genre, mais pour moi, ce ne sont toujours resté que des légendes. Donc il est inutile de te dire, cher lecteur, quelle ne fut pas ma surprise lorsque cet homme m’annonça que j’avais inhalé un esprit maléfique et terriblement dangereux.
-Comment faire pour m'en débarasser? demandais-je au vieil homme.
Il réfléchit un instant, puis m'annonça gravement qu'aucun moyen n'existait. Ma mort libérerait l'esprit dans notre monde, et il aurait mon corps pour apparence physique. Cela déclencherait, selon lui, un cataclysme digne du déluge en version feu de l'enfer.
-Mais tout le monde meurt un jour. Nous n'avons pas d'autre choix!
-Si, il en existe un. Mais peu d'humain en sont capables, et je n'en connais qu'un qui y soit arrivé, malgré lui. Mais il pourrait t'aider. Il n'y a pas de temps à perdre, nous devons partir.
D'un pas étonnamment vif pour son âge, l'homme fila dans son arrière boutique. Il y resta plus d'une dizaine de minutes avant de revenir avec un paquet long et qui semblait assez lourd.
Il enleva le papier craft et déroula un long tapis perse, d'une magnifique couleur bordeaux lie-de-vin.
-Monte là-dessus, me dit il. Et tiens toi bien au centre...
Il feuilleta un petit carnet de note, puis :
-Numen Evol, dit-il.
Pendant une ou deux secondes, rien ne sembla vouloir se passer. Puis, les franges du bords du tapis se soulevèrent à la verticale, et le tirèrent vers le haut. D'abord à une dizaine de centimètre du sol, le temps que le marchand monte dessus, puis, une fois dehors, de plus en plus haut, le tapis s'éleva.
Nous nous enfonçâmes loin dans le ciel nocturne, et bien au dessus des toits, et des lumières d'Elgénam. Le vent mêlait mes cheveux, et je m'endormis.
Je rêvai que je volais librement. Je voyais sous moi la terre, je me penchais, et plongeais en piqué, lorsque je fus réveillé, pendu par ma ceinture.
-Tu prends des risques, me hurla le boutiquier par dessus le vent. Remonte sur ce tapis immédiatement.
Durant mon sommeil, Svart avait tenté de maîtriser mon corps, et de sauter: si je mourrais, il était libre.
Nous n'avions vraiment pas beaucoup de temps.
Sur le reste du trajet, nous ne prononçâmes presque aucune parole.
M'étant assoupi plusieurs fois, j'avais toujours risqué ma vie. Si bien que Gurt, le boutiquier, s'était décidé à me ligoter pour que mon corps ne puisse bouger.
Nous avions survolés bien des mers, des océans, des plaines et des forêts. Au-dessus d'un marais qui m'était inconnu, nous fûmes attaqués par une bande de créature pour le moins étrange, que je ne connaissais pas.
- Prépare toi à des choses que même les plus crédules d'Elgénam n'ont jamais vu en rêve. Prépare toi à vivre peut-être l'invivable, attend toi toujours à l'imprévisible. Sois surpris de tout, toujours, mais n'en laisse rien paraître, car maintenant, nous arrivons au-delà des limites de ce que notre esprit peut tolérer.
C'était les seules phrases de plus de trois mots qu'il ait prononcées depuis ma première "tentative de suicide"...
Nous avions survolé une immense cité bleu translucide, d'un beau transparent qui pourtant réfléchissait presque la lumière. Une cité de glace, perdue au milieu d'un océan de pureté. Les éléments s'y confondaient, le ciel, l'eau et la terre gelée semblaient ne faire qu'un. Je ne sais combien de temps nous sommes restés au-dessus de ce désert blanc, mais je sais que je ne vis pas poindre le jour.
Sur le tapis, nous grelottions, mais Gurt ne relâchait pas sa vigilance. J'ignore comment il faisait pour ne pas devoir dormir ni manger. Je me demande, encore aujourd'hui, s'il était vraiment humain.
Nous avions survolé un pays de landes et de collines, ou les lacs, couvert de brumes, semblaient d'immenses miroirs couvert de buées. Des sons inconnus à mes oreilles résonnaient, roulaient de collines à collines. Je passai la tête, étroitement surveillé par le boutiquier, par dessus le bord du tapis.
Au sol, des hommes en jupe, faisaient réjouissance au son de ces sortes d'outres gonflables pleines de tuyaux.
Puis, bien plus tard, après avoir repassé au dessus d'une mer et de nombreuses terres, nous avons atterris dans la clairière d'une forêt immense. Non loin de nous, une espèce de petite mare, dont l'eau bouillait. Gurt s'y désaltéra et me conseilla d'en faire autant. L'eau était froide, malgré les gros bouillons et la vapeur qui s'en échappait.
Pour y boire, étant plus petit que Gurt, je dus m'appuyer sur une pierre blanche et plate qui se trouvait près du bord. Je pris un peu d'eau dans mes mains, et but. De l'eau coula de mes mains sur la pierre. Et à l'instant même où l'eau entrait en contact avec le minéral, le ciel se remplit de nuages sombres et menaçants, qui craquèrent et tonnèrent, nous envoyant une pluie diluvienne au visage.
-Bienvenu dans la forêt des mystère, James, me dit Gurt en riant sous la pluie.
-Bienvenue à Brecheliant, reprit une voix plus rauque, comme rouillée parce qu'on ne s'en était pas servi depuis longtemps...

Je commençais tout doucement à me sentir mal à l'aise.
Cela faisait déjà deux heures que le vieil ermite s'était présenté à nous, et presque autant qu'il parlait avec Gurt.
La nuit tombait tout doucement, et je commençais à m'assoupir, lorsque le boutiquier me secoua.
-Merwynn veut te parler, me dit il.
Il avait l'air sombre, mais soulagé;
Je m'approchai du vieil homme qui me fit signe de m'asseoir sur une souche.
-Bonjour, James. Je me nomme Merwynn, comme te l'a dit Gurt.
-En quoi pouvez-vous m'aider? Vous êtes un genre de... sorcier?
-Je me débrouille assez bien en magie, dit-il d'un air malicieux. Mais il y a plus fort que moi, évidemment, comme nous en rencontrons toujours. Et pour répondre à ta première question, oui, je pense pouvoir t'aider. Sais-tu qui je suis?
Face à ma réponse négative, il se mit à expliquer que sur son monde, il était très connu, sous différents noms. Il n'avait plus d'âge, car il avait été enfermé il y a déjà longtemps par une fée dans une pierre, et avait ainsi échappé à sa mort. Il se souvenait vaguement de plusieurs choses de sa "vie avant la pierre", comme il l'appelait. Il avait aidé des rois, il était aidé de fées et d'autres encore. Mais tout cela lui semblait flou.
-Si ta mort te perd, alors sache que tu risque fort aussi de perdre la mémoire, me dit-il. Ces choses là sont liées : nous avons la mémoire pour nous souvenir des choses que nous perdons. Or, comme chaque homme un jour perdra la vie, il s'en souvient jusqu'à l'instant final. Mais toi et moi sommes condamné à errer à travers les siècles, à côtoyer des milliards d'homme si nous voulons pouvoir être utile à l'humanité. Vois tu, moi aussi, en quelque sorte, j'ai mon démon intérieur. J'ai mes erreurs, et je me bats pour la sauvegarde de l'homme, pour qu'il reste sur le chemin du juste sans se laisser aliéner par le démon.
Il m'expliqua ensuite ce qui allait m'arriver. Il allait, par un rituel plus que complexe, m'exorciser d'un esprit : celui de la mort. Lorsque je lui demandai pourquoi il ne pouvait pas me débarrasser de Svart, il eut un sourire triste, et me répondit que j'avais beaucoup de chance : malgré mon jeune âge, j'avais déjà assez bien de sagesse.
Puis il me ramena près de la fontaine et me dit de me reposer, nous commencerions le lendemain à l'aube.
Durant la nuit, il me sembla qu'il observait les étoiles, tout en parlant au ciel. Je crus saisir
-Tout est prédestiné, mais pourquoi cela?
Mais je me rendormis et le lendemain à l'aube, je ne lui posai pas la question de savoir si j'avais rêvé où s'il avait réellement parlé au ciel.
Le rituel était bien plus long que ce à quoi je m'attendais. En fait, au bout d'une semaine, je n'avais toujours rien fait qui puisse apparemment m'aider. Merwynn me faisait transporter des branches à longueurs de journées, puis me faisait couper du bois, il m'apprit à faire du feu dans la forêt, à le gérer pour ne pas incendier le tout... Ce genre de chose ne me semblait pas très utile, d'autant qu'il se révélait être un maître très strict.
Au bout d'une semaine, rompu, les muscles en compote par les nombreux travaux paysans et forestiers que j'avais accomplis, il m'annonça fièrement.
-Je suis content de toi, tu évolues bien. Maintenant, nous allons passer au stade suivant.
Sans me prévenir le moins du monde, il me frappa avec son bâton au niveau de la tempe. Je restai assommé pendant le reste de la journée. Il avait de la force pour un vieil homme.
-Tu dois rester constamment sur tes gardes, me dit-il à mon réveil. Toujours être prêt à te battre, car ici, c'est une tradition assez courante.
-Mais, je ne sais pas me battre, répondis-je piteusement.
Merwynn leva les yeux au ciel, soupira un grand coup, puis, avec une légère pointe d'ironie, me demanda
-Pourquoi crois tu que tu es ici? Pour apprendre, petit idiot! Alors sois patient et suis les conseils que je te donnerai.

Durant un mois, qui me sembla interminable, il m'apprit à me battre au bâton, à l'épée, il m'apprit même quelque rudiments de magie, surtout afin de me protéger.
Chaque jour, lorsque je m'endormais sur la mousse près de la fontaine, je sentais tout mon corps qui se relâchait enfin et qui criait au martyr. En moi, Svart rigolait de mes souffrances, toutes ces choses qui lui étaient complètement inconnues. Il avait bien fait quelque tentatives, mais le vieux sorcier de la forêt veillait trop bien pour qu'il ne m'arrive quelques chose.
Enfin, après je crois encore deux mois de ce traitement intensif, Merwynn me fit asseoir en face de lui, dans un cercle de petits monolithes dressés dans une clairière, puis il ferma les yeux et m'enjoignit de ne surtout pas sortir du cercle, quoi qu'il arrive, quoi que je voie. Il se mit alors à réciter des paroles étranges et incohérentes pour moi qui n'en avait jamais entendu de semblable.
Le cercle se mit à briller, et une légère musique m'environna de toute parts. Puis, la lumière devint flamme. Je tressaillis : j'avais horreur du feu.
Petit à petit, toute les flammes se rejoignirent face à moi prirent la forme d'un immense serpent, puis d'un monstre tentaculaire, puis enfin d'un corps encapuchonné qui tendit un doigt squelettique dans ma direction et avança d'un pas. Je reculai. L'apparition se jeta alors violemment sur moi, et je m'échappai en courant vers le couvert des arbres.
Mon échec me faisait honte. Je restais terré sous le couvert des arbres, caché, dissimulé, de peur d'avoir à affronter de nouveau Merwynn. Mais comme j'aurais du m'y attendre, la magicien me trouva sans peine au bout d'une dizaine de minute de recherches.
-Tu as échoué et c'est normal. Mais tu as eu beaucoup de chance que je ne te fasse pas confiance : j'ai crée des images terrifiantes pour la plupart des personnes, mais je n'ai pas invoqué d'esprit. La prochaine fois, c'est ce qui t'attend, et là, si tu fuis, tu nous tue tous.
Je déglutis, et sentis bien malgré moi une lueur de défi monter dans mon regard.
Svart m'utilisa pour parler au vieux de la forêt.
-Intéressant, ainsi, tu comptes prendre ce risque, vieux fou...

De nouveau, l'entraînement reprit. J'ai l'impression, en regardant ma vie, que cela a duré des décennies entières, mais je sais que cela n'a pris que quelques saisons, qui furent rythmées de coups, de théorie, de magie. Lorsqu'arriva l'aube de ma troisième année passée avec le vieil homme, il me dit qu'il me pensait prêt. Je me souviens de cette journée comme du plus grand stress de ma vie.
J'ai suivi les conseils de Merwynn. J'ai tenu trois cahier. Un cahier relatant mon passé, ma vie, mes souvenirs. Un second livret dans lequel j'avais consigné les parties importantes de ma mémoire. Un troisième que je continuerai à écrire, au cas où. Rassuré sur ce point, je m'avançai dans la clairière au crépuscule.
Le vieil homme m'attendait.
Une fois assis dans le pentacle de protection. Je sentis Svart se manifester en moi. Je le sentais presque remuer. J'avais conscience d'avoir en moi quelque chose qui voulait ma mort plus que tout au monde.
Je du me focaliser sur l'immobilité, je du me concentrer sur le sol. Je me souviens, je tremblais de tout mon corps alors que Merwynn sautillait, chantonnait, psalmodiait. Soudain, la clairière disparu. Autour de moi que le noir. Je me forçai à rester agenouillé. Différente vision des gens que j'avais aimé passèrent. Je me souviens aussi de la sensation d'étouffemement qui me pris lorsqu'apparut la grande forme encapuchonnée.
En avançant vers moi, elle prit différente forme. Le mur de feu, le serpent, mais aussi un espèce de psychopathe qui m'évoqua les légendes du croquemitaine de mon enfance. Mais la dernière image reste gravée dans ma mémoire comme si on l'y avait imprimée au fer chauffé à blanc.
La Camarde ôta son capuchon lorsqu'elle fut presque sur le bord du cercle, et
Joël se tenait devant moi, souriant, radieux.
-James, tu me manques. Pourquoi n'es tu plus revenu à la maison? Tes études nous ont éloignés.
Instinctivement, je me levai, complètement hypnotisé pas cette apparition.
-Suis moi, allons nous en d'ici, rentrons.
Je fis un pas vers le bord. Il me tendit la main, je levai mon bras. Comme derrière un mur, comme si j'étais sous l'eau, j'entendis quelqu'un crier. J'eus un instant d'hésitation, et Joël marqua un petit geste d'impatience, comme quand il était énervé. J'en étais sûr, c'était lui. Je levai encore ma main et effleurai sa peau. La brûlure que je ressentis alors dans tout mon être me fit me recroqueviller autour de ma main qui brûlait.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je devins sourd, muet, aveugle. Mon sang s'était transformé en feu, ma bouche me brûlait, mes yeux saignaient. J'avais l'impression d'avoir la tête prise dans un étau, qu'on me passait le cerveau dans nuage de tempête. Je sentais Svart qui jouissait en moi, et son plaisir me fit d'autant plus mal. Ma peau était devenue lumière, mes os me frappaient de l'intérieur.
Je me redressai et hurlai au ciel, puis tombai à genoux, et ce fut la fin.
Mais comme tu dois t'en douter, lecteur, ce n'est pas LA fin. Sinon, tu ne me lirais certainement pas, n'est-ce pas?
À dire vrai, je restai inconscient deux jours, selon Merwynn. Je ne me réveillai qu'au zénith du troisième, très faible, et la mémoire défaillante. À vrai dire, j'étais totalement amnésique. Je me rappelais juste d'une immense douleur, comme si mon coeur, ma tête et mon âme allaient se séparer. Je me souvenais aussi avoir pensé et désiré mourir.
Le vieil homme me remit debout en une semaine. Il me fit relire mes cahiers, pour ne pas que je perde complètement trace de mon passé. Pendant tout ce temps, Svart ne s'était que peu manifesté. J'en profitai pour demander à Merwynn pourquoi il s'était débarassé de ma mort plutôt que de détruire l'esprit qui était en moi.
-Cela m'était impossible. Vois-tu, lorsqu'un esprit aussi puissant et maléfique que celui-ci goûte à du sang, il est difficile, voir impossible de l'en détacher. Alors en plus du sang humain, c'était risqué de te tuer.
Lorsque Svart se remanifesta officiellement, il parla par ma bouche, et le magicien lui fit comprendre en quelques mots que désormais, il n'aurait plus le choix, nous étions destinés à vivre dans le même corps jusqu'à la fin des temps.
Toute cette nuit là, l'esprit m'envoya des rêves de puissances, de domination, de destruction. Mais j'avais appris à n'écouter que mon esprit. Je réussis donc à éviter de l'écouter.
Au bout d'un mois, j'arrivais à maîtriser mon corps et son plein potentiel. Svart était toujours aussi indomptable, et prenait mon corps d'assaut, si je puis m'exprimer ainsi.
Je me souviens d'une fois où il me fit perdre l'équilibre au-dessus de la cîme d'un peuplier. J'en suis tombé, et me suis brisé les membres en quinze morceaux. Mais l'exorcisme avait fonctionné. Je n'étais pas sorti du cercle, et j'étais donc immortel. Sept mois plus tard, j'étais de nouveau debout et récupérait l'usage de mes bras et de mes jambes sous l'oeil attentif de Merwynn.

Au bout de cinq ans, j'arrivai à reprendre le contrôle lors des attaques du démon. Le magicien m'entraînait impitoyablement, sans me laisser un instant de répit. Lorsqu'au bout de ces cinq années il fut content de moi, il décida de me laisser partir. Je n'étais pas vraiment prisonnier, et ne me sentais pas comme tel, mais lorsqu'il me l'annonça, je n'eus qu'une impulsion : faire mon baluchon.
Ainsi, bien longtemps après être parti d'Elgénam, je m'apprêtais à y retourner. Revoir ma famille, rechercher des souvenirs, essayer de trouver un emploi...
Mais la route empruntée jamais n'est droite. Croyez-moi, lecteurs, j'ai eu autant de rebondissements, de péripéties, d'aventures dans ma vie que tous les recueils de contes pourraient contenir. Mais lorsqu'on se sait immortel, cela perd toute sa saveur, on ne prend finalement pas de grands risques, et c'est pourquoi je me permet de passer ce demi-siècle au profit d'un événement qui a marqué un tournant dans ma vie.
Longtemps après mon exorcisme, je poursuivais un voleur à la tire qui venait de prendre le sac de ma fiancée lorsqu'au détour d'une rue, je vis une vitrine qui, malgré moi, m'était familière. J'entrai donc, laissant là le voleur et ma fiancée (que je n'ai jamais revue, soit dit en passant).
La boutique recelait une pléiade d'objet étranges et pour la plupart, magiques. Un comptoir en bois poli, et derrière, une espèce de tronc d'arbre dont l'écorce brune était creusée de profonds sillons. Je m'approchai voulant en déterminer l'essence, lorsqu'une fente sous ce que j'avais pris pour une petite branche.
-Bonjour, James, cela fait longtemps.
Je fis un bond vers l'arrière et me collai au mur. Gurt le boutiquier!
Il m'expliqua alors sa vie, me précisant qu'elle touchait à sa fin, et que malgré son grand âge, il n'avait pu trouver d'apprenti. Cette boutique demandait un soin quotidien, et elle était particulière.
-Elle se déplace au travers des âges, des époques, des mondes et de l'espace. J'ai vendu pas plus tard qu'hier un livre sur l'Art Sombre à un Chevalier du Saint Ordre Teutonique, et ce matin je me suis réveillé ici. Parfois sur une même journée, je vois entrer un soldat celte suivi peu après d'un Gnome ingénieur des Hautes Terres. Je pense même avoir déjà vu passer un squelette qui cherchait son crâne.
Il rit à cette pensée cocace, et m'expliqua qu'il n'avait jamais compris le fonctionnement de la boutique. Simplement au fil du temps, il avait finit par en faire partie. C'était un pivot d'aventures, mais il n'a jamais eu l'occasion de toutes les connaîtres. Chaque personne qui entrait dans cette boutique était à un tournant de sa vie, et très peu étaient capables de la retrouver, bien qu'elle semblât être présente à plusieurs endroits à la fois.
-Je pense, me dit-il d'un air malicieux, qu'elle n'apparaît que lorsqu'on ne la cherche pas. Elle vient à celui qui lui est ouvert et lui offre une aventure, une folie, une vie digne de lui. Merwynn est le seul que j'ai vu entrer à de nombreuses reprises. Étrange vieil homme, n'est-ce pas? Je ne dois pas être mal dans mon genre non plus...
Je restai avec lui jusqu'au crépuscule, essayant en vain de me souvenir de détails vécus ici. Avant que je ne m'en aille, il me proposa de lui succéder.
-Tu es le meilleur pour elle. Tu dois comprendre pas mal de choses étranges, et puis, tu enfermes Svart. Je suppose que tu dois être puissant, il n'est pas impossible que tu attires pas mal d'aventures, peut-être même au magasin lui -même, qui sait...

Sur le moment, la proposition me toucha tellement que j'acceptai. Gurt n'eut que le temps de m'expliquer que je serai lié à elle pour l'éternité et que je ne pourrai la quitter qu'en mourrant et après avoir trouvé un successeur, et sur son dernier souffle, il acheva sa transformation en tronc bizarrement sculpté.
Je restai très attristé de sa disparition, et ai beaucoup pleuré.
Mais mon Dieu, à quoi m'étais-je donc engagé?
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L'étrange boutique de Mister Flynn
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